Cécile RAVISE, A Courson La Pionnière !

Publié le 27/03/2024

Dimanche 24 mars, direction Courson les Carrières pour aller à la rencontre de l’unique femme coach d’un équipe masculine Seniors.

Après un beau match équilibré et fair-play, voyant malheureusement la défaite de son équipe 1.0 contre Toucy, rencontre avec Cécile RAVISE :

District de l’Yonne de Football : Cécile, pourriez vous vous présenter ?

Cécile RAVISE : J’ai 26 ans. Je suis enseignante en Activités Physiques Adaptées. Après des études dans le sport (Staps, Master, BPJEPS équitation), j’ai décidé de créer mon auto-entreprise (equAPAble). En parallèle, je m’occupe de l’équipe seniors de l’ASF Courson les Carrières.

DYF : Tout d’abord, comment doit-on vous appeler ? Entraineur ? entraineuse ?

CR : Coach !

DYF : Alors Coach, comment êtes-vous arrivée à la tête de cette équipe ?

CR : Il y a 4 ans, le coach de l’époque, connaissant mon cursus, me demande de venir prendre en main la préparation physique de son équipe. Sœur d’un joueur (ndlr : Quentin, le gardien de l’équipe, devenu depuis le Président du club), je ne suis pas une inconnue pour les joueurs.

Je commence donc à m’occuper de leur préparation, de la réathlétisation des blessés… Ça commence doucement car un des entraineurs en place émet quelques réticences mais les joueurs demandent eux même à passer plus de temps à travailler avec moi, conscients de ce que je leur apporte.

La saison suivante, un des entraineurs quitte le club et je prends donc tout naturellement sa place auprès de l’équipe, aux côtés de l’entraineur principal. Je m’occupe exclusivement du physique des joueurs. Je suis très franche avec tout le monde : je n’y connais rien techniquement, je maitrise l’équitation mais pas le football ! En revanche, je peux garantir leur forme physique, les muscler et les remettre sur pied après des blessures.

L’été suivant, l’entraineur en place quitte à son tour son poste et me laisse seule aux commandes. Je doute de mes capacités à le remplacer mais l’équipe me rassure ainsi que le bureau du club. Alors avec l’aide de tout le monde et principalement de mon Capitaine et de l’ancien Président, je me lance dans l’aventure.  C’est ma deuxième saison à la tête de l’équipe et je me sens enfin légitime.

DYF : Avez-vous été facilement acceptée et comment vous êtes-vous préparée à coacher l’équipe ?

CR : L’équipe me connaissait et a rapidement vu ce que je pouvais leur apporter. Ce sont même les joueurs qui ont demandé aux anciens entraineurs à travailler encore plus avec moi. C’est eux qui ont fait ma place, ils avaient confiance en moi. Nous avons beaucoup travaillé avec Guillaume (ndlr : l’ancien Président) et Vincent (le capitaine). Ils m’ont tout appris techniquement. Chaque vendredi, je travaillais les compositions avec Vincent, chaque changement était vu avec lui. Je doutais beaucoup et avais besoin de son aval pour mes prises de décision. Je me suis beaucoup formée seule et cette année, j’ai fait la Formation proposée par le District pour entrainer une équipe de Seniors.

Quelques joueurs n’ont pas accepté d’être entrainés par une femme alors ils sont partis mais il existait déjà des problèmes entre eux et les anciens entraineurs.

DYF : En quoi est-ce différent d’entrainer des hommes par rapport aux femmes ?

CR : Je pense que je ne pourrai pas entrainer des femmes ! Je suis très franche et je dis clairement à mes joueurs ce qui ne va pas, sans prendre de pincettes ! et je ne suis pas sûre que ma façon de communiquer conviendrait à une équipe féminine.

DYF : A votre avis, pourquoi êtes-vous la seule femme dans l’Yonne à entrainer des hommes ?

CR : Je suppose qu’elles ne doivent pas oser. C’est dommage. Moi je me suis retrouvée à ce poste un peu par hasard, l’ancien entraineur nous ayant annoncé son départ en juillet et je ne pouvais pas laisser tomber l’équipe.

DYF : Que diriez vous à une femme qui souhaiterait coacher une équipe masculine ? quels conseils lui donneriez vous ?

CR : D’être franche, de dire clairement ses points faibles sans vouloir jouer un jeu ou faire semblant, de demander de l’aide et… d’y aller ! Il faut s’intégrer dans l’équipe, ne pas chercher à s’imposer mais plutôt jouer en finesse !

 

DYF : Faites vous face à des discriminations et notamment en cas de défaite ?

CR : Ça arrive de temps en temps d’entendre des réflexions sexistes de la part de supporters ou de coachs adverses, et même d’arbitres ! Mais je ne les entends plus et mes joueurs réagissent à ma place car ils sont très protecteurs !

Il y a bien quelques petites réflexions notamment lorsque je vais soigner un joueur (« moi aussi je veux bien me blesser avec une jolie infirmière comme elle ») mais rien de méchant. J’entends plutôt des réactions de surprise.

DYF : Votre plus grande fierté en tant que coach ?

CR :  Avoir su relever ce défi. Devenir légitime aux yeux de mes joueurs et du bureau du club. Être enfin autonome et me faire confiance ! Je n’ai plus besoin de me réassurer auprès de mon Capitaine ! Je peux lui demander son avis bien sûr, mais j’assume mes choix et mes erreurs !

Je suis très fière de mon équipe, c’est un groupe soudé avec une bonne cohésion. On prend du plaisir à se retrouver, à jouer ensemble, et à jouer les prolongations après les entrainements ! D’ailleurs, vous avez pu constater que même si nous sommes mal classés, même si c’était un derby, et malgré la défaite aujourd’hui, personne ne conteste ou ne se fait de reproches.

Je suis également fière de mon club. C’est un petit club qui n’a vraiment aucune aide extérieure. Nous ne pouvons compter que sur nous-même et nous sommes tous « multifonctions » (ndlr : pendant cet entretien, le Président du club est à nos côtés en train de faire les lessives et étendre le linge).

C’est parfois compliqué, entre les jeunes qui partent pour leurs études et s’engagent dans d’autres clubs et notre manque d’aides financières et matérielles. Nos locaux sont vétustes, notre terrain a besoin d’être refait…

DYF : Que peut on vous souhaiter ?

CR : Le maintien bien sûr, même si nous jouons de mieux en mieux à chaque match et que nous arrivons à nous créer de belles occasions. Et puis de trouver quelques joueurs car c’est un peu juste.

Mais surtout qu’on garde notre esprit club, qu’on continue à prendre du plaisir et que notre club perdure !

Deux joueurs viennent nous rejoindre : Vincent, Capitaine de l’équipe, présent dans l’équipe avant l’arrivée de Cécile, et Sylvain, qui a pris l’aventure en plein vol.

Qu’avez-vous à me dire sur le fait d’être coaché par une femme ?

Vincent : Ça ne change rien ! Cécile est arrivée pour nous aider dans notre préparation physique. Elle a pris la suite naturellement. On l’a un peu aidé mais maintenant elle se débrouille seule. On ne la voit pas comme une femme mais comme la Coach !

Cécile : C’est vrai qu’ils ne me voient pas comme une femme, surtout dans les vestiaires ou ils se déshabillent naturellement en oubliant que je suis présente !!!

Sylvain : Quand je suis arrivé et qu’on m’a dit que c’était une femme qui coachait, ça ne m’a fait aucun effet, je ne comprends pas qu’il puisse y avoir un débat. C’est devenu courant dans beaucoup de sports ! Mon fils est d’ailleurs entrainé par une femme donc pour moi, c’est normal. Une femme n’a pas non plus la même vision qu’un homme mais elle est plus pédagogue.

La seule chose que je regrette c’est que nous sommes trop peu nombreux aux entraînements et ça me fait de la peine pour Cécile qui ne peut pas faire les exercices qu’elle voudrait.

Vincent : Les équipes adverses nous demandent souvent si on la respecte. Mais évidemment ! Ce n’est pas parce qu’elle ne crie pas, qu’elle n’a pas d’autorité ! D’ailleurs, son surnom (ndlr : gentiment trouvé par son frère …) c’est Le Bourreau des Carrières !

 

Un grand merci au club de l’ASF Courson pour leur accueil.

Nous leur souhaitons une belle fin de saison… et de conserver leur esprit club.

Articles les plus lus dans cette catégorie